PAR PETITES TOUCHES, pensées sans retouches : Hiver

Une aile raye le ciel,

Les toits se dessinent dans l’aube froide,

Le coq dort encore,

Mon âme frôle la nuit.

Le chat noir, en boule devant l’âtre,

N’a plus d’yeux ni de lèvres,

Mon café fume dans mon bol blessé,

J’y vois la lune étonnée.

La maison craque de vieillesse,

J’ai mal mais je me tais,

Monte un poème désarticulé,

C’est le réveil de l’hiver .

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PAR PETITES TOUCHES , pensées sans retouches : Le rideau de la vie

Un jour, ou peut-être une nuit, un rideau s’ouvrit sur une vie, sur un cri. Un petit d’homme ouvrit les yeux, serra les poings. Il avait mal, se tordait de douleur. Pourtant tant de monde se réjouissait ! Des visages comblés de bonheur se penchaient sur son berceau. C’était donc cela, la vie ? Il n’avait qu’une envie, retourner dans le ventre doux et chaud de sa maman, s’envelopper de son rideau à elle, couleur sang, sentir ses caresses sur le ventre protecteur.

Et puis les années ont passé. Le bébé est devenu un enfant, un adolescent, un grand. Un adulte. À chaque passage de sa vie, un rideau s’ouvrait. Un lourd rideau de velours rouge, bordé de franges dorées. Il était accueilli avec brio dans ses nouvelles missions, tandis que d’autres restaient derrière le rideau. Coincés. Des figurants dans les coulisses. Ça le rendait malheureux, mais il n’y pouvait rien. Alors il poursuivait son chemin.

Des dizaines d’années passèrent. Il donna à son tour la vie et comprit la joie qui illuminait alors son visage, ceux de ses proches, de ses amis, à l’accueil de cette vie toute neuve. Il comprit le sens profond de la vie.

Puis son corps le fit de plus en plus souffrir, son cerveau avait du mal à analyser, sa mémoire commençait à lui faire défaut. Il ne comprenait plus trop le sens de la vie. Il se mit à dépérir. Les rideaux semblaient s’être envolés. Il avait du mal à se souvenir de leur doux toucher. Ses proches froncaient les sourcils et échangeaient des regards incertains et coupables. Qu’allaient-ils faire de lui ?

Finalement, il fut décidé de le placer dans un établissement où l’on prendrait soin de lui. Un rideau vert pâle l’accueillit dans sa nouvelle demeure, qui sentait la soupe et l’eau de Javel. Il n’y eut plus de rideau rouge. Sa vue baissait. Il avait du mal à distinguer les formes humaines, fantômes égarés. Il avait du mal à articuler. En fait, après une vie scintillante, il ne servait plus à rien.

Le beau rideau rouge apparu un matin et sembla vouloir lui cacher l’aurore. C’était la fin, il le sentait. Il eût encore le temps d’apercevoir le ciel frileux car le rideau s’ouvra majestueusement. C’était le dernier de sa vie. Sa dernière représentation, sans personne pour l’écouter, sans aucun visage familier se penchant vers lui.

Recroquevillé comme un bébé sur son lit, il tendit son regard de vieillard vers la fenêtre. Une larme coula dans une ride profonde de sa joue. Il ne voyait plus rien, ses mains ne pouvaient plus se fermer. Il était moins qu’un bébé. Alors il ferma les yeux et aperçut enfin le rideau rouge qui se ferma une dernière fois. Il était seul dans sa chambre. Il percevait au loin le roulement des lourds chariots des cantinières. Dépossédé de sa vie, il se laissa enfin prendre par la mort.

Un jour, un rideau se referma sur une vie, dans un râle. Un homme ferma les yeux.

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PAR PETITES TOUCHES, pensées sans retouches : Petit oiseau d’hiver

Je te regarde. Seul nous sépare le carreau couvert de buée glacée.

Ton petit œil de geai me dévisage, apeuré. Si tu savais que je ne te veux aucun mal ! Ton petit gilet corail me fascine. J’aperçois les battements de ton cœur qui le soulèvent. Tu sembles frigorifié. Tes douces plumes se soulèvent dans le vent mordant. Tes frêles petites pattes semblent s’agripper au rebord de la fenêtre.

Moi je suis au chaud. L’âtre diffuse une lumière orangée et un doux souffle qui vient me lécher les chevilles. Ma tisane brûle mes mains. Je suis bien. Je pense à tous ces animaux qui luttent dans la neige et le froid. Ils sont obligés de s’acclimater. Un jour le printemps viendra qui les entendra à nouveau chanter dès le matin.

L’espace d’un instant que je voudrais éternité, tu m’as offert ta beauté, avant de disparaître dans le ciel gris, petit oiseau d’hiver.

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PAR PETITES TOUCHES, pensées sans retouches : La danse des lettres

photo © Lamouetterieuse

Je n’ai pas d’inspiration, mais j’ai envie d’écrire. Je n’ai pas de joie, mais écrire me permet de survivre.

Alors d’un jet, je lance des lettres, dés animés. Et, stupéfaite, je les vois se tenir la main, s’attraper la cuisse. Les lettres forment une immense ronde, qui tourne autour de ma table, puis de ma maison, puis de mon village, puis de mon pays… Je ne comprends pas la teneur de ces phrases. Les mots sont des enfants ingrats qui vous abandonnent dès qu’ils ont trois poils au menton.

Tels de jeunes oiseaux, les phrases s’élancent alors à la conquête du monde, dans l’éther étonné. Même pas peur ! Il m’arrive parfois de capter un mot ou deux, qui se détachent pendant trois secondes sur le ciel, auréolés d’un rai de soleil. C’est une danse universelle, pleine d’espoir, qui dit, sur les courbes parfaites d’un arc-en-ciel :

« Que la paix soit sur la terre,

Que les hommes s’aiment comme des frères. »

Alors je suis profondément émue et heureuse d’avoir repris ma plume.

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