PAR PETITES TOUCHES, pensées sans retouches : Le sourire est la fêlure de l’âme

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Photo ©Lamouetterieuse

Le sourire est la fêlure de l’âme

Le sourire est la fêlure de l’âme,

De tendre chair la confiante et lumineuse fenêtre, 

Mon cœur léger, d’où jaillit un incoercible élan d’amour pour autrui.

Le sourire est la fêlure de l’âme,

De douce ivoire l’invisible et inflexible armure, 

Qui ment à mon cœur meurtri et veut d’abord protéger autrui.

Le sourire est la fêlure de l’âme,

Les apparences peuvent être heureuses,

Les apparences peuvent être trompeuses,

La joie, menteuse, peut être insidieuse,

Et la douleur, traîtresse, si aguicheuse.

d’autres « Pensées sans retouches » à venir…

PAR PETITES TOUCHES, pensées sans retouches : P’tit gars d’Paris #17 : Temps de l’Avent 1950

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sapin

Temps de l’Avent 1950

La famille Archambault était donc enfin réunie au grand complet, le père, Yves, la mère, Geneviève, et leurs enfants, Pierre-Marie, Mathilde et Emile. Ce temps de l’Avent, qui avait commencé avant les vacances scolaires, était l’occasion d’échanger sur les activités des uns et des autres pendant ce dernier trimestre de l’année 1950. Les vitres du grand salon étaient couvertes de givre, laissant à peine filtrer la lumière des réverbères en ce début de soirée hivernale. Un feu chaleureux crépitait dans l’âtre de marbre bordeaux.

En tant qu’avocat à la Cour, le père ne pouvait prendre de véritables vacances en cette période de l’année, mais se permettait une présence plus allégée au bureau afin de pouvoir profiter de ses trois enfants retrouvés. Il lui arrivait souvent de rapporter du travail qu’il traitait le soir à la maison, lorsque tout le monde était couché, et ce temps de l’Avent ne lui épargnerait certes pas cette habitude. Assis dans le grand fauteuil en cuir de son père près de la haute bibliothèque, une pipe en bruyère flammée au coin de la lèvre, il était absorbé par la lecture du Figaro du jour. Ses lunettes en écaille de tortue que l’on pouvait apercevoir à chaque tourne de page, lui donnaient un petit air sérieux, pour ne pas dire autoritaire lorsqu’il fonçait les sourcils à la lecture d’une nouvelle qui le contrariait.

Mathilde et sa mère, les cheveux en bataille et les mains couvertes de poussière, remontaient de la cave les bras chargés de cartons contenant des trésors de décorations. Emile se jeta à leurs pieds sur le tapis de soie aux volutes infinies. Il voulait être le premier à ouvrir les malles au trésors des pirates qui revenaient des mers chaudes ! Il regardait sa mère, dans sa simple robe bleue de fin lainage assortie à ses grands yeux, petit ras de cou en perles et broche assortie. Sa taille était aussi fine que celle de Mathilde, de telle sorte que l’on eût dit deux sœurs. « Je l’ai trouvé ! Je l’ai trouvé, le petit Jésus ! » Son visage rayonnait de la joie du chasseur d’or qui aurait découvert un filon inestimable. Pierre-Marie, qui avait été jusqu’alors plongé dans un roman, se lança, quitte à ternir l’enthousiasme de son petit frère de sept ans. « Le santon de l’Enfant Jésus ne doit pas être installé dans la crèche avant sa naissance, voyons ! Tu mets la charrue avant les bœufs, là ! » Derrière la double page « Politique », Papa sourit à ce petit jeu de mot involontaire. Les santons de plâtre furent sortis un à un des feuillets de soie qui les protégeaient d’une année sur l’autre, puis installés sur la commode Louis XVI qui trônait entre deux des fenêtres du grand salon. La Vierge Marie et Saint Joseph attendaient, mains jointes, agenouillés sur leur paille de plâtre, que leur Fils tant aimé vienne au monde. Il leur faudrait attendre encore plus de trois semaines…

Tout occupé qu’il était à fouiller, la tête dans les cartons, Emile ne vit pas son père se lever discrètement et faire signe à son grand frère. Quelques instants plus tard, ils revinrent avec un sapin aussi haut que Pierre-Marie. Saisi par le parfum de résine fraîche, Emile émergea de ses fouilles et bondit tel un cabri. « Ô, un sapin ! On l’installe, dites, Papa ? On l’installe, maintenant, maintenant ? En moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, le géant des forêts se dressait fièrement sur ses pieds tronqués. Tandis que Papa retournait à sa lecture et que les femmes choisissaient guirlandes et boules, Pierre-Marie proposa à son petit frère de le hisser au sommet de leur invité en robe verte pour y fixer une étoile de verre étincelante qu’il sortit par miracle de sa poche, achetée juste avant son départ aux Magasins Réunis de Brest. C’était un beau couronnement sylvestre. Le sapin avait fière allure dans sa nouvelle parure.

La soirée fut émaillée de blagues, de rires et de chants de Noël, autour d’un chocolat chaud et crémeux que Madeleine avait préparé et qu’elle fut bien entendu autorisée à déguster avec eux. Au fond, elle n’avait plus de famille, ou plutôt, elle servait ici depuis si longtemps, que là se trouvait sa vraie famille. Madeleine se rappela qu’elle avait acheté ce matin de belles oranges chez le primeur. Aux côtés de Madame et Mathilde, un atelier impromptu fut organisé sur la table basse pour percer de clous de girofle les délicats agrumes. Le salon embaumait des doux parfums du chocolat, de l’orange, des clous de girofle et de la résine. Les joues rougies par toutes ces émotions visuelles et olfactives, Emile s’était finalement endormi sur les genoux de Pierre-Marie, sa petite main posée sur son cœur.

Il y aurait heureusement d’autres moments de bonheur en famille pendant ce temps béni de l’Avent 1950.

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PAR PETITES TOUCHES, pensées sans retouches : P’tit gars d’Paris #14 : Chemin de joies

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Chemin de joies

Emile prenait chaque jour encore plus conscience de ce que son chemin vers la sainteté serait sans doute plus tortueux que celui auquel il avait songé à l’issue de la messe de la Toussaint en l’église Saint Augustin. Après le jour des « défunts » qui avait permis à la famille de se recueillir sur la tombe des aïeux disparus dont sa grand-mère adorée, il avait fallu reprendre le chemin de l’école, pour les sept semaines qui le sépareraient des vacances de Noël. Les jours, pourtant plus courts, semblaient s’étirer à jamais dans une luminosité frileuse, des devoirs et des leçons hermétiques lui passaient au-dessus de la tête, tout occupé qu’il était à ses rêveries de chevaliers en croisade ou d’Indiens en guerre.

Un soir, autour de la table familiale, son père annonça, prenant tout le temps nécessaire pour ménager un certain suspens : « Nous avons reçu une lettre recommandée de Pierre-Marie. » Emile posa sa petite cuillère à côté de l’entremet à la vanille, saisi d’une inquiétude non dissimulée, croyant discerner un ton préoccupé dans cette annonce. Était-il arrivé quelque chose de grave à son grand frère, son héros, qui faisait son service militaire dans la marine à Brest ? « Il a obtenu une permission et pourra passer les vacances de Noël avec nous. Emile, nous profiterons de son retour avec notre voiture pour te déposer au passage sur le lieu de ton futur pensionnat dans le Finistère. » C’était finalement une bonne nouvelle. « Et Mathilde ? Quand rentrera-t-elle de la Maison d’éducation de la Légion d’honneur ? », s’enquit Emile, un sourire aux lèvres, la bouche pleine d’entremet. Son père le toisa, fronçant le sourcil, puis répondit dans un jet : « Elle sera là au même moment. Ainsi, pourrons-nous passer un beau Noël en famille, tous les six. » Emile failli s’étrangler. « Tous les six ? » Certes, il n’était guère assidu aux cours de mathématiques, mais tout de même…, quelque chose clochait, là… Maman posa son doux regard sur son petit garçon et prit la parole : « Je ne voulais pas le révéler tout de suite car il est encore bien petit, mais j’attends un bébé. » Emile ne se sentait plus de joie. Tant de bonnes nouvelles en même temps ! Madeleine était en train de débarrasser la table. « Tu t’rends compte, Madi ? J’vais avoir un p’tit frère pour jouer aux billes ! C’est chouette ! » La cuisinière sourit en jetant son torchon par-dessus son épaule rondouillarde et repartit les bras chargés de vaisselle vers son antre à l’autre bout de l’appartement.

Dans le long couloir ciré qui le menait à sa chambre, Emile se dit que, parfois, des interminables journées peuvent aboutir à de merveilleuses nouvelles et que cela valait le coup d’attendre pour prendre un chemin pavé de joies. Il avait hâte d’être le jour suivant, qu’il y ait du soleil ou non, des bonnes notes ou non…

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Grande Faucheuse

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Douce nuit d’été, liesse des feux de joie d’une fête nationale, sourires aux lèvres, palpitations au cœur, rires. La petite fille a emporté son nounours préféré, pour qu’il puisse lui aussi profiter du beau feu d’artifice qu’elle va voir pour la première fois. Les coups des illuminations géantes dans le ciel résonnent dans sa petite poitrine. Elle serre fort la main de son grand-père. Que c’est beau !

Trois secondes après, la Grande Faucheuse moissonne, défonce, décapite, démembre enfants, femmes et hommes dans la force de l’âge. Peuple festif, joie simple, âmes innocentes. L’émerveillement a fait place au silence, aux hurlements de douleur des survivants hébétés, écoeurés d’incompréhension. Récolte rouge. Paix à leurs âmes.

La Grande Faucheuse au service de la barbarie, aux ordres de la terreur, n’est plus celle de la lèpre ou des champs de bataille. Aucun ultimatum, pas de justification, aucune excuse, frayeur gratuite. Circonstances aggravantes du terrorisme.

Mesdames et Messieurs les politiques, cessez de vous gargariser de grands mots, de stigmatiser certains partis, de pactiser avec l’ennemi. N’avez-vous pas de sang dans la bouche ? Votre mission est de protéger le peuple qui vous est confié. Qu’avez-vous fait pour pacifier l’espace public ? Que ferez-vous pour éviter, encore et encore, l’escalade de la terreur ? Que l’un de vos proches soit terrassé par la Grande Faucheuse dans vos palais dorés sécurisés ?

Il est plus que temps de poser les bonnes questions, quitte à reconnaître ses erreurs. Il est grand temps de retrousser vos manches. De passer d’un « état d’urgence » à un « Etat fort ». La Grande Faucheuse a encore du pain sur la planche, un pain tendre et insouciant, qui ne demandait rien d’autre que de vivre… en paix.

 

 

PAR PETITES TOUCHES, pensées sans retouches : Rengaine jolie.

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Rengaine jolie

Le petit pinson sur le mur de briques creuses,
Depuis l’aube annoncée n’arrête pas de chanter.
Messager mystérieux au langage vaporeux,
Qu’a-t-il à raconter que l’on doive écouter ?
Je me demande pourquoi il ne peut s’arrêter
Et voudrais bien savoir s’il va continuer…

Il chante la belle journée qui lui est donnée,
Il chante pour le soleil qui irradie le ciel,
Il chante pour ne pas oublier sa destinée,
Être heureux et, modeste, ne jamais la fermer.

Même élan musical, toujours le même bagou,
Toujours les mêmes trilles et jamais de fausse note,
Quand ses douces plumes gonflées sur son maigre cou,
Soulèvent sa poitrine tandis que mon cœur bloque.

Sa rengaine monotone est pourtant si jolie,
Que jamais ne m’en lasse tant j’en suis toute saisie.
J’aurais tant à chanter, mais ne peux me lancer !
Dans ma cage thoracique, l’air reste comprimé.
Me semble que toute ma vie ne vaut pas sa journée,
Il chante à fond l’amour, je ne vis qu’à moitié.

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Plume trempée dans l’encrier du clavier #2

Barbe-Ô-colossal !

Colossal émerveillement !

On peut être une mouette affamée et épargner ce qui vit sous l’eau. Voracité de la vie. Émerveillement.

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Dans son Bestiaire enchanté, Maurice Genevois raconte comment tout jeune, nageant en Loire, il a pris dans le nœud d’un lacet un très gros poisson, un barbeau colossal, puis, émerveillé, l’a relâché. Voici ce magnifique texte :

Je le contemplais longuement, songeant à quelque génie du fleuve, un dieu de l’Herbe Verte dérobé aux yeux des hommes, et que j’avais le privilège, vu que j’étais dans l’enveloppement des herbes, d’admirer tout mon soûl dans son épaisseur fuselée, sa majesté dorée, moi seul en cet instant exact de sa vie et de la mienne .

Surpris lui-même par sa propre décision, sa hâte à la réaliser, ainsi que sa réussite, Maurice Genevois passe un nœud coulant autour du poisson, mais très vite l’empathie survient. 

Il me sembla soudain sentir la cruauté de l’étreinte, sa cuisson intolérable. Au même moment, le barbeau cria. Aujourd’hui, je pense que ce ‘cri’ n’était rien d’autre qu’un spasme de la gorge, un bruit d’air violemment aspiré ou chassé hors des viscères. mais ce jour-là, dans l’exaltation d’une capture presque magique, non seulement j’entendis un cri, mais j’en aperçus le bouleversant appel. L’œil du fabuleux poisson, fixe et rond, doré aussi dans la lumière, j’étais sûr qu’il me regardait. Et le cri, et le regard s’unissaient pour me dire ensemble : ‘Ce qui arrive par toi, en cet instant, ce n’est pas dans l’ordre du monde. Sens ta poitrine : elle vient de se serrer aussi. Tu respires mal… Desserre ce lien, laisse-moi aller. Tout alors retrouvera la joie, la joie de vivre, et l’harmonie, et la beauté de ce jour merveilleux.’