Photo © Lamouetterieuse
« Je saute sur une chaise, la table sous le menton. J’ose un second saut et j’atterris maintenant sur la table. Ma maîtresse m’a vue bien sûr. Elle a fini son repas ce qui me laisse espérer pourlécher un fond de yaourt. Mais point de yaourt à l’horizon. Aucun reste de plat de viande à lécher non plus. Je suis déçue. Tout ça pour ça !
Ma maîtresse est occupée à écrire un texte. Tiens, il s’agit de moi ! J’aime lorsqu’elle parle de moi dans ses textes. C’est une jolie chatte noire au pelage luisant et aux yeux d’émeraude. Comment résister à mes atours ? Certes, je suis un petit peu mal élevée. Il n’est pas correct, lorsque l’on est une lady, de grimper sur une table ou tout point d’observation en hauteur pratiqué par les humains.
Mais ma maîtresse m’aime sans condition. Par exemple, elle me dit souvent, en me caressant, Comme tu es jolie ma douce Bastet, je t’aime tant tu sais, ma Louloute… J’en tremble de plaisir et ronronne jusqu’à en baver. Puis je m’allonge le plus près possible d’elle, sur la table, sur son lit… Dans sa chaleur, rassurée par son odeur, le ronron continue, de moins en moins fort jusqu’au silence qui signe mon endormissement. Elle regarde mon petit minois de minou, si adorable. Ma petit joue délicatement posée, mes fines moustaches, mes yeux noirs maintenant fermés, mes petites lèvres silencieuses. Mon visage devient alors invisible, une énigme pour celui qui ne connait pas les petits félins. Comment sont mes pupilles derrière mes paupières de charbon ? De quelle couleur est l’intérieur de ma bouche derrière mon petit museau de cuir ébène ? Peut-être suis-je une petite panthère noire ?
Mais lorsque je monte sur la table interdite, je contemple le monde qui est à mes pieds. Je le domine, il m’appartient. La petite araignée qui se balade impunément sur le carrelage va bientôt entendre parler de moi.
Je lève la tête pour rechercher un endroit encore plus haut. Malheureusement il n’y en a pas. Ici, beaucoup de livres mais point de bibliothèque. Et le joli sapin de Noël ne m’intéresse pas. Et non, je ne fais pas de complexe d’infériorité, espèces de mauvaises langues. Vous donnez votre langue au chat ?
Je suis un chat et de ce fait j’ai le privilège de jouer, quand bon me plaît, à chat perché. »
d’autres « Pensées sans retouches » à venir…