PAR PETITES TOUCHES, pensées sans retouches : Les contes de la mouette : La jetée aux mouettes

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La petite fille trottinait aux côtés de sa maman, un pied chassait l’autre, ce dernier chassant le premier. Danse enjouée, insouciance de l’enfance. Le ciel était haut, très haut… mais elle s’imaginait le toucher sans peine en donnant de plus vigoureux coups de pieds. Sa petite main se cramponnait à celle, douce et rassurante de cette femme, si simple et si élégante, qui lui avait donné la vie et la regardait à cet instant en souriant. Elles se dirigeaient vers la jetée interminable aux jambes noircies par les marées. Le vent mordait leurs joues et embrouillait leurs cheveux.

– On ira jusqu’au bout de la jetée, Maman ? Dis, on y ira, hein ?

– Oui, nous irons tout au bout ! Jusqu’à toucher la mer et le ciel, si tu veux !

Désormais, le vent soufflait plus fort, plus froid. Elles marchaient maintenant sur le bois légèrement glissant par endroits, en direction du petit phare qui signait le saut vers des étendues iodées à perte de vue.

-Regarde, ma chérie, une mouette sur le parapet ! Tu vois, c’est une mouette amoureuse.

– Comment sait-on qu’elle est amoureuse, Maman ? Elle semble plutôt frigorifiée, celle-ci !

– Une mouette amoureuse peut être un peu frigorifiée, tu as raison. Lorsque son cœur esseulé a besoin des caresses de son amoureux. Une mouette amoureuse se reconnaît à son plumage encore plus blanc, à son oeil toujours plus vif, à son bec encore mieux dessiné. Une mouette amoureuse rêve de s’envoler avec l’élu de sa vie vers des destinations mystérieuses; c’est pourquoi ses plumes se soulèvent avec grâce, prêtes à faciliter son envol à tout moment. Une mouette amoureuse pousse des cris plus rauques; son chant est comme assourdi par la passion qui l’anime toute entière. Une mouette amoureuse n’a plus d’appétit que pour celui qu’elle aime à la folie; elle regarde donc avec dédain les petits vers qui s’agitent dans la vase. Elle n’a plus faim. Ou plutôt, elle n’a plus faim que pour son amour, sa vie. Elle ne vit plus que pour lui.

Mère et fille restèrent quelques instants, serrées l’une contre l’autre à contempler la mer, fouettées par les embruns glacés qui les condamnaient au silence. Complicité de deux femmes à des âges différents de la vie. Les yeux de la petite fille se portèrent sur l’horizon qui se confondait avec l’immensité du ciel. Un jour, elle aussi serait grande. Cœur dilaté par l’astre d’or, elle se jetterait à l’eau, ouvrirait ses ailes immaculées, frémissantes, et prendrait elle aussi son envol vers son amour éternel.

Moralité : chères mouettes, n’ayez pas peur, à tout âge de la vie, de vous laisser saisir par l’amour. N’ayez pas peur de faire le premier pas. N’ayez pas peur de vous abandonner à celui qui fait vibrer votre cœur. Au pire, vous perdrez quelques plumes éblouissantes de votre vérité. Mais jamais votre âme ne perdrez.

d’autres « Pensées sans retouches » à venir…