PAR PETITES TOUCHES, pensées sans retouches : De la noblesse ordinaire

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« A ceux qui ont beaucoup reçu, il sera demandé encore plus » serait-il un credo de la noblesse ? Dans une société régie par le « toujours plus », dans laquelle la course à l’argent, à la puissance et/ou aux honneurs sont les moteurs, où jalousie et convoitise sont souvent les ressorts qui meuvent les individus, où la revendication continuelle de droits collectifs a supplanté l’exercice de devoirs individuels, ce credo ne fait-il pas démodé, pour ne pas dire « Old Régime »?

Comment quantifier alors ce qui a été reçu ? Sont-ce des terres -domaines ingérables, à gérer-, des pierres -ruines à consolider, à défaut de pouvoir les rénover-, des trésors sonnants et trébuchants -qui font, évidemment, trébucher-, des titres de noblesse ou des blasons ? Certes, les biens hérités au fils des siècles ont leur importance, mais les devoirs qui leur sont assortis sont souvent plus que proportionnels. Par ailleurs, ce qui a été donné ne relève-t-il pas aussi -plus- d’un domaine, impalpable et finalement pérenne, devoir de mémoire, responsabilité morale, transmission de valeurs immatérielles, bien plus que de biens corporels ?

Dans nos sociétés européennes plus anciennes, chevalier, seigneur ou homme d’église pouvaient être animés de ce credo. Certes, leur exemplarité, relatée sur des supports artistiques divers, dans des textes, put traverser les époques et être reconnue par la postérité. Étaient-ils les seuls ? Le fermier, à l’histoire anonyme, pouvait aussi être animé de ce credo, même si ce qu’il avait reçu -ou gagné par son travail- était moins conséquent. Car seule importe la proportion de ce qui est donné par rapport à ce qui a été reçu. Car ce credo fait appel à une dimension supra-matérielle. Ce ne sont pas tant des valeurs tangibles que le fondement d’une morale personnelle, elle-même abreuvée à la source de valeurs chrétiennes millénaires.

Soyons des chevaliers du vingt-et-unième siècle, partons en croisade contre nombrilisme, injustice et barbarie sociétale. Soyons des êtres de foi, retrouvons notre noblesse de cœur, celle qui fait du bien à nos frères, celle qui pacifie la société, celle qui nous élève un peu plus chaque jour. Soyons des seigneurs, humbles et généreux, avec ou sans château, avec ou sans particule, avec ou sans terres. Cultivons en notre terre intérieure notre noblesse ordinaire. Le bonheur se mesure au prix inestimable de ce que nous offrons sans compter, plus qu’à celui, périssable, que nous recevons indûment en abondance. Et sans y penser, n’oublions pas que c’est à l’aune de ce que nous aurons donné ici-bas chaque jour, que nous serons évalués Là-haut pour l’éternité, au pied du Christ Roi.

d’autres « Pensées sans retouches » à venir…

PAR PETITES TOUCHES, pensées sans retouches : Toute donnée

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En reprenant les rennes de son fougueux clavier, à la nuit tombée, elle est saisie par la vie de cette femme, qui a tout donné. Sa mère, sa grand-mère, sa voisine, elle-même ? Elle a décidé de renverser les rôles, de lui donner enfin la parole. Hommage discret et humble, pourtant essentiel, à cette femme simple comme tant d’autres, pilier invisible de la famille. LA dona, LA dame, LA femme, L’épouse, LA toute donnée.

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Toute donnée

Enfant, elle s’était donnée au service de sa famille. De petits gestes en gentils mots, de coups de mains en sourires. Ses parents lui avaient juste appris à être serviable, polie, aimable. Ô, elle aurait pu faire le strict minimum, histoire de ne pas choquer ou de ne pas perdre la face, ou tout bêtement obéir en baissant la tête. Mais elle avait choisi d’en donner plus, toujours un petit peu plus. L’avait-elle choisi, ou avait-elle été choisie ? Elle ne le saurait jamais, et s’en moquait.

Grandissant, elle n’avait rien perdu de ses bonnes habitudes. Personne ne faisait guère attention à elle, puisque tout était parfait. Elle ne cherchait ni mérite, ni miracle, ni merci. Sourire en aidant les autres était son lot quotidien, ce qui la rendait simplement heureuse. Pas béatement heureuse, non. Heureuse du bonheur des autres. D’autres femmes couraient après la gloire, les paillettes, les lumières de la scène, les applaudissements de la foule. D’autres encore avaient choisi de se battre au coude à coude contre les hommes, amères batailles, chèrement pas payées. D’autres enfin, se moquaient in peto de cette jeune femme peu enviable, peu reluisante.

Elle avait donné sa fidélité à un homme, dans les liens sacrés du mariage. Elle avait renoncé à son indépendance, lui avait donné une nombreuse descendance, dans d’atroces souffrances. Elle avait perdu son corps de jeune fille, adieu sa jolie ligne ! Mais elle continuait à donner, chaque jour, encore et encore, le sein, les câlins pour petits bobos, les baisers pour tout oublier, les conseils pour mieux travailler, les écoutes des ados en mal-être, les soutiens à son bien-aimé, les non-soupirs à sa belle-famille… C’était un éternel recommencement de sourires, d’écoute attentive, de douces paroles, de secrets gardés, de blessures ignorées, de vie en-dehors d’elle, toute donnée pour les autres. Volonté, prudence, abnégation, amour du travail, organisation, modestie, autant de vertus qui n’avaient plus de secrets pour elle.

Là, lessivée, pressurée, dépassée, ignorée, elle, LA dona, a tout donné. Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain, il lui semble qu’elle ne pourra désormais rien de plus donner.

d’autres « Pensées sans retouches » à suivre…