PAR PETITES TOUCHES, pensées sans retouches : P’tit gars d’Paris #7 : Rencontre au sommet

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classe école 50

Rencontre au sommet

Les élèves, tous âges confondus, jouaient dans la cour de l’école sous les tilleuls dont les feuilles commençaient à tomber en tournoyant, petits hélicoptères touchés au cœur. Leurs blouses grises se soulevaient lorsque les garçons faisaient semblant de s’envoler en courant, volées d’étourneaux, gamins étourdis. Le surveillant à la petite moustache sévère se promenait les mains dans le dos entre les groupes d’enfants qui avaient choisi leur emplacement habituel pour jouer aux billes, feuilleter une bande-dessinée, ou raconter des blagues en riant sous cape.

Emile n’avait pas le cœur à participer aux jeux de ses camarades. Ainsi qu’il l’avait annoncé hier soir au dîner, son père partageait en ce moment-même une conversation animée avec son maître d’école. Caché derrière le platane centenaire qui faisait la fierté du directeur, Emile pouvait apercevoir leurs silhouettes dans la salle de classe, à la faveur des nuages qui, assombrissant les fins carreaux, faisaient disparaître les derniers rais de soleil de ce début d’automne. Le maître était assis à son bureau, tandis que son père faisait les cent pas entre les rangées de pupitres cirés, levant régulièrement un doigt mécontent. De ce rendez-vous découlerait sans doute une rencontre au sommet avec le directeur de l’école. Son avenir scolaire en dépendrait, à plus ou moins brève échéance. Probablement à brève échéance, d’ailleurs. Fixant les fenêtres, Emile retenait son souffle.

Soudain, tel un Dieu vivant omnipotent, le surveillant, surnommé « Moustache » par les élèves, agita vigoureusement la lourde cloche de cuivre, ajoutant d’une forte voix rocailleuse : « Messieurs, la récréation est terminée ! Veuillez former vos rangs ! » Dans un joyeux brouhaha, tout le monde finit par se mettre deux par deux en rang par classe. Les cris se muèrent en phrases puis en rires tronqués, rompant ça et là le silence requis. Moustache fit prestement rentrer les élèves, mais intima à ceux de la classe d’Emile d’attendre sous les voûtes du préau, tandis qu’il lui faisait signe en silence de le rejoindre. Une rumeur indécise planait sur ses camarades. Dès que Moustache et Emile eurent tourné les talons, les paris les plus fous furent envisagés par les écoliers, excités tout autant par cette interruption de leur routine que par la récréation abrégée qui ne leur avait pas permis de se défouler assez. Certains, moqueurs ou inquiets, envisageaient une expulsion immédiate de leur petit camarade, d’autres, plus rêveurs, un départ forcé pour une colonie lointaine où Emile suivrait ses cours entouré de bêtes féroces. Depuis sa classe, un maître exaspéré frappa sur la fenêtre d’un coup de règle pour tenter de les ramener au silence.

Le long du couloir gris, Emile suivait Moustache à quelques mètres respectueux. La distance qui les séparait de la classe numéro trois lui semblait interminable. Lorsqu’ils entrèrent dans la salle qui sentait la poussière de craie, l’encre et les feuillets de livres jaunis, il fut surpris de trouver le maître et son père maintenant apaisés. Ce dernier prit alors la parole, le fixant de son regard franc : « Nous avons soigneusement examiné ton cas. Tes mauvaises notes et tes incartades étant devenues de plus en plus nombreuses, il eût été plus simple pour tout le monde d’envisager un changement d’établissement au plus vite. Cependant, nous sommes convenus de te laisser une dernière chance. Tu as donc jusqu’aux vacances de Noël pour te ressaisir, soit remonter tes moyennes tout en calmant tes ardeurs. En revanche, si nous sommes amenés à constater que tu n’as rien changé d’ici-là, nous prendrons les mesures qui s’imposent, en concertation avec Monsieur le Directeur. » « Merci », balbutia timidement Emile, stupéfait par cette décision qui le laissait incertain, la perspective d’un changement d’environnement ayant fait son chemin dans son esprit aventurier.

Son père quitta prestement la salle de classe, non sans lui asséner une petite tape ferme mais confiante sur l’épaule. Il sursauta. Ses camarades réintégrèrent leurs places dans un murmure interrogateur. Le maître saisit la grande équerre de bois ainsi qu’une toute nouvelle craie. La leçon de géométrie allait commencer. Finalement, la rencontre au sommet tant redoutée n’aurait peut-être pas lieu de sitôt.

d’autres « Pensées sans retouches » à venir…

Auteur : lamouetterieuse

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